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Monsieur le Doyen Carbonnier, notre maître à tous, nous rappelait que “« Le droit n’est pas cet absolu dont souvent nous rêvons ».
De fait, la règle de droit ne se donne jamais, brute, sans interprétation, sans évolutions, sans revirements et retournements. C’est au juriste d’aller chercher ces passages, ces ruptures qui surgissent au gré de leurs cheminements.
Le droit des assurances et de la responsabilité, dont la complexité est flagrante pour celui qui s’y plonge, n’échappe pas à la règle des basculements que nous tentons ici de traquer.
Il s’agit donc de rechercher dans la Jurisprudence ce qui peut intéresser la matière. Et la donner à lire à tous ceux qui comme nous la côtoient.
Par ailleurs, le droit n’étant pas en “suspens”, il doit s’alimenter d’une réflexion sur son évolution et ses tendances contemporaines. Nos billets tenteront de les cerner.

Non à la spontanéité ! sur la fausse déclaration intentionnelle des risques

Par un arrêt en date du 13 décembre 2018, la Cour de Cassation (Cass. 2e civ., 13 déc. 2018, no 17-28093) a pu considérer, en rappelant simplement la jurisprudence existant en la matière que sans l’existence d’un questionnaire préalable et même si le souscripteur avait pu, y compris intentionnellement, ne pas mentionner, à l’occasion de la souscription du contrat d’assurance que l’immeuble avait été édifié sans permis de construire sur une zone interdite, que le contrat n’était pas nul par application des dispositions de l’article L. 113-8 du Code des assurances
La notion de fausse déclaration de risques commence à devenir une question qui n’en est plus une tant la solution est désormais ancrée depuis un arrêt la chambre mixte du 7 février 2014 (n° 12-85107) dont la clarté, il est vrai, n’avait pas été la caractéristique, ce qui avait généré, pour permettre une lisibilité sans failles un autre arrêt en date du 15 juin 2015.
Cependant les contradictions viennent souvent se nicher, y compris dans les chambres quelquefois obscures de la Cour de Cassation et les arrêts de ladite Cour devenaient ce qu’ils ne devraient jamais être : des cas d’espèce…
Les erreurs et autres déviations sont ici anéanties par un retour clair, simple, sans ambages à la règle édictée selon laquelle le souscripteur ne peut se voir opposer une nullité de contrat que s’il a répondu faussement à une question précise de l’assureur !

En l’espèce, et à la suite de l’incendie d’une maison, assurée par un contrat Multirisques, l’assureur a refusé de garantir le sinistre, estimant que le souscripteur avait fait une fausse déclaration intentionnelle de risques en ne déclarant pas spontanément «que l’immeuble avait été édifié sans permis de construire sur une zone interdite». Or, aucune question de ce type n’avait été posée par l’assureur (« il est constant que le contrat d’assurance habitation a été souscrit sans questionnaire préalable »).
Il faut donc en revenir à l’attendu de principe de l’arrêt de chambre mixte de 2014, selon lequel « l’assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l’assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu’il a apportées auxdites questions »,

l’attestation d’assurance : l’absence de mention d’une exclusion ne constitue pas une faute de l’assureur

Une attestation d’assurance de responsabilité civile professionnelle est remise à l’assuré qui la remet à un tiers. Un sinistre survient. L’assureur fait état de la clause classique d’exclusion des dommages subis par l’ouvrage exécuté avant réception, et ce compris les désordres réservés (jugée au demeurant comme parfaitement valide, ne crée pas de déséquilibre significatif et ne vide pas le contrat de sa substance).
Le tiers croit devoir imaginer que l’assureur, en ne mentionnant pas cette clause d’exclusion, a commis, à son égard, une faute délictuelle.
La Cour de Cassation (Cass. 3e civ., 22 nov. 2018, no 17-26424) lui donne tort, en écartant la responsabilité délictuelle de l’assureur RC pour émission d’une attestation insuffisamment précise. Voir aussi Cass. 3e civ., 17 déc. 2003, n° 01-12259 : Bull. civ. III, n° 235 – Cass. 3e civ., 29 mars 2006, n° 05-13119 : Bull. civ. III, n° 84 – Cass. 3e civ., 11 mai 2006, n° 04-20250 : Bull. civ. III, n° 116).

Ainsi, la non reproduction des exclusions de garanties ne constitue pas une faute délictuelle de l’assureur.
En réalité, il ne faut pas confondre attestation et contrat.

billet : l’expertise judiciaire : dire et redire

Le droit français a inventé un homme dont le pouvoir est extraordinaire, presque terrifiant. Et ce, sans l’écrire ou même le savoir, sans l’institutionnaliser. C’est l’expert judiciaire.
L’on connaît tous les règles qui gouvernent sa nomination (par un juge, le plus souvent en référé), le fonctionnement de l’expertise qu’il mène (contradictoire, envoi de Dires, pré-rapport et rapport définitif).
L’on sait aussi, ce qui est répété à l’envi, pour l’apaisement, que «le juge n’est pas lié par l’avis du technicien» (Art 246 CPC).
C’est cette locution qui forge l’illusion, structure la pensée et fait conclure, par les juristes en salle, que l’expert judiciaire, ne donnant qu’un avis, n’a donc aucun pouvoir juridictionnel. Ce qui est parfaitement exact, à la lettre.
Sauf qu’il s’agit, du moins, dans le processus qui mène à la décision judiciaire dans laquelle se nichent des enjeux techniques, de l’homme qui a plus de pouvoir que le juge lui-même, prétendument « non lié … ».
En effet, lorsque la question au centre du litige est d’une technicité dont les tenants échappent à la juridiction, l’on voit mal le juge sur le plan technique, rendre une décision contraire à l’avis du technicien. Le juge ne peut œuvrer que dans l’ingénierie juridique ou procédurale (nullité du rapport, non-respect du principe du contradictoire)
Or, ce pouvoir dont les conséquences peuvent être d’une lourdeur définitive pour une entreprise n’est aucunement encadré. Ni par la certitude de la compétence (les processus de son inscription n’en donnant pas les gages), ni par celle de l’impartialité (les réseaux et autres amitiés objectives pouvant, certes rarement, s’immiscer dans le champ expertal).
La vigilance doit donc être de mise et le professionnel doit toujours être en alerte contre l’abus et la déviation.
Le seul moyen d’éviter le dérapage du pouvoir réside dans la clarté du langage qui accompagne celle de la posture : les « Dires » sont, comme on le sait, les supports de la communication avec l’Expert. C’est ici qu’il faut être précis, concis, sans circonvolutions exclusivement sémantiques, dans la technique et la scientificité.
L’on constate, en effet, dans la littérature expertale, des envolées lyriques et verbeuses qui se substituent à la démonstration. Elles n’apparaissent que lorsque le conseil n’est pas accompagné, que la relation triangulaire, essentielle entre l’Entreprise, le conseil technique et l’avocat n’est pas pensée et structurée.
Dans l’expertise judiciaire, pour faire, il faut dire. Et bien dire. Et ne pas hésiter à redire.
C’est dans « l’expertise de l’expertise judiciaire » que le pouvoir précité d’un homme (l’expert) peut être altéré. Les mots, lorsqu’ils sont hors du simple verbiage, deviennent matière. C’est l’objectif du Dire. Transformer la parole en substance.

assurances de responsabilité et non-garantie de la restitution du prix : le mutisme et la difficulté

Nul ne s’aventure dans la tentative d’une réponse structurée et définitive sur ce que peut être une « action en responsabilité » dont les conséquences dommageables sont prises en charge par un assureur. En clair, un préjudice « indemnisable » au sens du contrat d’assurance. La contribution supposerait un effort d’analyse et de recherche structuré, d’une ampleur que nul ne peut imaginer tant la question est ardue.
Au demeurant, elle n’existe pas vraiment dans la littérature spécialisée.

A vrai dire, le bon sens et l’évidence viennent toujours à la rescousse, une entreprise ne pouvant considérer que toute dette constitue une « dette de responsabilité garantie par un contrat d’assurance ». L’exemple de l’inexécution contractuelle circonscrite à un engagement (un remboursement, un délai, une abstention d’action) n’a jamais (y compris dans l’esprit des assurés les plus virulents à l’égard de l’assureur), été considérée comme « indemnisable » par l‘assureur.

Dans certains cas, l’évidence faisait défaut et le raisonnement devait être construit assidument par l’assureur, notamment lorsqu’aucune clause d’exclusion n’était prévue au contrat d’assurance et qu’il fallait revenir sur la notion précitée de « dette de responsabilité assurable ».

C’est le cas de la restitution du prix en cas de résolution de la vente consécutive à l’existence d’un vice caché du produit vendu par un assuré garanti pour les conséquences dommageables de sa responsabilité après livraison.

Dans cette situation, la plupart des contrats d’assurances, dans la même logique que l’exclusion des frais de réparation ou de remplacement du produit livré (l’assureur garantit les dommages causés par la chose livrée et non les dommages causés à ladite chose et il a fallu des années pour faire juger la clause comme ne vidant pas le contrat de sa substance) prévoit, sans contestation possible la non-garantie de la restitution du prix du produit vicié.

Ce qui est parfaitement logique, le remboursement d’un prix perçu par l’assuré ne pouvant être considéré comme un « préjudice » consécutif à une action en responsabilité (il s’agit au surplus ici d’une action en garantie) et, fortiori, un préjudice indemnisable à l’assuré.

Cependant cette évidence était de nature à jouer des tours à l’assureur qui la tenait tellement pour acquise qu’il ne lui semblait pas opportun ou utile de la mentionner dans une exclusion en bonne et due forme.

La question s’était déjà posée, l’assuré soutenant que la garantie étant acquise pour les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l’assuré peut encourir en raison du préjudice causé à autrui, elle incluait la restitution du prix qui constituait une telle « conséquence », aucune clause d’exclusion n’étant prévue à cet égard.

L’assureur répondait qu’il ne pouvait être condamné à restituer un prix qu’il n’a pas perçu et ce, en contrepartie de la résolution d’une vente et la Cour de Cassation dans un arrêt en date du 5 Juin 1991 avait jugé que le contrat d’assurance de responsabilité, même si aucune clause d’exclusion n’était prévue expressément, n’avait pour objet que de réparer le dommage réel éprouvé par le tiers, sans, en aucun cas, avoir pour effet de placer l’assuré dans une situation meilleure que si le sinistre ne s’était pas produit (Cass. Civ.3ème 05 juin 1991, 89-21392), Resp.Civ. et assur. 1991, comm 362), dans les termes suivants :

«*La cour d’appel ayant retenu que la police souscrite par M. F… avait pour objet une assurance de responsabilité et que la prestation de l’assureur n’ayant pour but que de réparer le dommage réel éprouvé par l’assuré, ne pouvait avoir pour effet de placer celui-ci dans une situation meilleure que si le sinistre ne s’était pas produit, l’arrêt est, par ces seuls motifs, légalement justifié de ce chef *»

Dans un article « Le silence est d’or (à propos de l’exclusion par l’assurance de la restitution du prix à la suite d’une résolution de la vente), Mr le Professeur Groutel commentant l’arrêt précité indiquait, très opportunément, que :

«La restitution des prestations, après la résolution, étant une exécution dans l’autre sens, le remboursement du prix ne peut jamais être réclamé par l’acheteur à l’assureur, lequel ne risque donc pas de se retrouver propriétaire de la chose restituée. La chose revient au vendeur lui-même. Le contrat d’assurance de responsabilité de celui-ci (ou du fabricant dans d’autres espèces) n’a rien à faire ici, car la restitution du prix n’est pas une dette de responsabilité”

Cependant, la question devenait rare devant les juridictions, les assureurs, échaudés, ayant pris soin de prévoir, à toutes fins utiles, ladite exclusion de la restitution du prix en cas de résolution de la vente.

Mais des vieux contrats peuvent donner l’occasion de revenir sur ce débat.

Un arrêt récent est revenu sur cette question. VOIR PAGE SUIVANTE PLUS BAS

non garantie de la restitution du prix, éloge de la précision

l’arrêt du 3 avril 2019

La Cour de Cassation a eu à se pencher sur le problème précité dans notre page précédente, très récemment, à l’occasion d’un litige relatif à la vente d’un navire atteint d’un vice caché et d’une action en garantie aboutissant à une résolution de la vente et une restitution concomitante du prix.

La Cour d’Appel d’Aix-en- Provence avait retenu que le contrat d’assurance souscrit par la société X (qui ne comportait aucune clause d’exclusion de la restitution du prix) garantissait la responsabilité civile générale et professionnelle de celle-ci pour son activité de navigation de plaisance, y compris la vente de navires et que l’article II alinéa 1er de l’annexe stipulait que « la garantie est étendue aux charges pécuniaires pouvant incomber à l’assuré d’après les dispositions légales qui régissent la responsabilité contractuelle et résultant d’un préjudice causé par suite de la violation d’obligations conventionnelles que l’assuré contracte avec ses clients dans l’exercice de l’activité professionnelle définie (…), sous réserve que l’acte ayant causé le préjudice ne constitue pas une infraction à la réglementation relative à l’exercice de ladite activité

La Cour en déduisait ainsi que les vices cachés atteignant le navire vendu par la société X ouvrent contre elle une action en garantie qui, néanmoins, met en jeu sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de son acheteuse la société Y.

La Cour de Cassation (Chambre commerciale) dans un arrêt en date du 3 Avril 2019 (17-18545) casse l’arrêt de la Cour d’Appel en précisant clairement :

« Qu’en statuant ainsi, alors que la restitution du prix de vente à laquelle est condamné le vendeur à la suite de la résolution du contrat de vente pour vice caché, ne constitue pas un préjudice indemnisable, ce dont il résulte qu’elle ne constitue pas un dommage au sens du contrat d’assurance, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Il est des jours où le juriste se délecte de la précision presque horlogère d’une locution dans un champ controversé.

C’est ici le cas.

la photo

Une photo par mois, donnée à voir par un de nos amis photographes

actualités

excellent

Chaque année, la revue “Décideurs Magazine” publie ses classements d’avocats.
beldev se place dans le secteur “risques industriels, assurances et contentieux de la responsabilité”, divisé en trois sections :

  • Regulatory Assurance / Réassurance
  • Responsabilité du fait des produits
  • Risques industriels et contentieux des assurances

En 2019, dans les trois rubriques précitées, beldev est classé EXCELLENT

La Revue indique dans son “Track record“ que “Le cabinet est reconnu pour son expertise dans le domaine du risque industriel, de l’assurance et de la construction. Il maîtrise parfaitement l’expertise judiciaire. Il est en relation constante avec des équipes d’ingénieurs. Cette alliance entre droit et technique permet à beldev de fournir à ses clients une stratégie de défense sans faille.“.

Par ailleurs, dans sa rubrique “Différenciation“, la revue mentionne que “Au cours des dernières années, l’équipe a diversifié sa clientèle et approfondi ses relations avec assureurs et assurés. Cette collaboration est guidée par l’engagement et l’implication de toutes les parties. Le cabinet est également ancré au travers de ses relations et de son réseau dans l’espace européen et international. Il fait preuve ainsi d’une grande aisance dans la gestion des litiges transnationaux“.

retour vers le passé : sur l’exclusion de la reprise de prestation dans les polices de responsabilité civile

Les sables du terrain judiciaire sont toujours mouvants, quelquefois surprenants ou aléatoires.

Cependant, malgré cette conviction, l’on est toujours étonné de voir réapparaitre des controverses ou des débats qu’on croyait révolus et définitivement réglés.

C’est le cas de l’exclusion de la reprise de prestation dans les polices d’assurance de responsabilité des entreprises.

L’on sait en effet que l’assurance de responsabilité civile exclut classiquement les frais ayant pour objet de réparer le produit, atteint d’un défaut, fourni par l’assuré ou ceux relatifs à reprendre une prestation mal réalisée.

Il est coutume de préciser que l’assureur de responsabilité garantit les dommages causés PAR la chose ou la prestation, extrinsèques et non les dommages causés A la chose ou à la prestation. C’est d’ailleurs le caractère extrinsèque ou intrinsèque des dommages qui permet de faire la distinction entre le type de dommages immatériels (autre que ceux que matériel) puisqu’aussi bien ils sont considérés comme « non consécutifs » si les dommages (matériels) sont exclusivement circonscrits à la chose ou la prestation.

Pendant une certaine période, les assureurs ont du lutter contre une interprétation de la Cour de Cassation, laquelle, dans un mouvement de protection exacerbée de l’assuré considérait que la clause d’exclusion de la prestation « vidait le contrat de sa substance ».

Puis, la Cour a enfin décidé de la considérer comme valable.

Le débat était donc clos, même si dans certaines écritures devant les juridictions, dans une tentative assez vaine de revenir sur le débat, des professionnels convaincus d’une protection sans failles par les juridictions des assurés considérés curieusement comme des victimes, revenaient sur l’argumentation du « vidage de la substance ».

En réalité, cette tentative que l’on croyait vaine ne l’était pas puisqu‘aussi bien certaines juridictions s’attachaient à faire revivre ce passé (connu si l’on ose dire).

C’est le cas de la Cour d’Appel de Versailles qui dans un arrêt en date du 23 octobre 2017 avait considéré que la clause « vidait le contrat de sa substance » en excluant de la garantie de l’assureur la reprise des travaux défectueux réalisés par l’assuré.

Il s’agissait de désordres sur le revêtement de façade appliqué sur l’immeuble par un entrepreneur qui sollicitait la garantie de ses assureurs en invoquant une clause de la police libellée comme suit : « Quel est l’objet de la garantie ? Nous garantissons les dommages corporels ou matériels causés à autrui y compris au maître de l’ouvrage, par les travaux exécutés, lorsque ces dommages ont pour effet générateur une malfaçon et qu’ils surviennent après l’achèvement des travaux ». Les assureurs opposent une clause d’exclusion de garantie ainsi libellée : « Quels sont les cas où notre garantie ne joue pas : 15° le coût de la réfection des travaux de la remise en état ou du remplacement des produits livrés ou ouvrages exécutés, qui ont été à l’origine des dommages ».

L’assuré en concluait qu’il existait une contradiction qui contredisait en les vidant de leur substance » les garanties prévues positivement au contrat (garantie pour les dommages matériels causés au maître de l’ouvrage lorsque ces dommages ont pour effet générateur une malfaçon dans les travaux exécutés et qu’ils surviennent après l’achèvement des travaux ». En l’espèce, la clause d’exclusion était on ne peut plus classique en excluant de la garantie de l’assureur la reprise des travaux effectués par l’assuré lui-même.

La Cour d’Appel de Versailles faisait droit à cette argumentation.

La Cour de Cassation dans son arrêt en date du 14 févr 2019, (Cass. 3eciv. 18-11101) rappelle, fort opportunément « Qu’en statuant ainsi, alors que cette clause, claire et précise, laissant dans le champ de la garantie les dommages autres que ceux résultant des malfaçons affectant les ouvrages ou travaux, est formelle et limitée, la cour d ‘appel a violé le texte susvisé ».

Le juriste doit lutter, heure par heure, contre la formule éculée, le passé régénéré ou l’exacerbation d’une protection surannée. Et ce, alors que d’autres sujets plus sérieux, de nature à clarifier la relation assureur/assuré pourraient être abordés sans perdre cette énergie sur des questions tranchées depuis longtemps.

le livret bleu

Beldev a édité en 2018, un petit livret, à la couverture bleue. Ponctué par quelques photos, un récit sur nos métiers, une contribution succincte à une réflexion sur leurs devenirs.

Sa version numérique est désormais disponible par un clic sur le bouton rectangulaire ci-dessous.

L’ECRASEMENT D’UNE PRESCRIBILITE : PRESCRIPTION BIENNALE ET PRESCRIPTION DE DROIT COMMUN

I – ASSURE, INFORMATION, PRESCRIPTION

La question qui est posée ici est celle de savoir si une prescription de droit commun doit se substituer à la prescription biennale déclarée « inopposable » à l’assuré par une juridiction lorsqu’elle n’est pas rappelée dans la police d’assurance.

De la prescription biennale en matière d’assurance. La grande réforme de 2008 sur la prescription n’a pas manqué de laisser son empreinte sur les règles régissant la prescription biennale instituée en matière d’assurance. Certes, les articles L114-1 et L 114-2 du Code des assurances instituant une prescription abrégée de deux ans (à compter du sinistre en matière d’assurance de choses et à compter de l’action du tiers lésé ou du paiement par l’assuré du tiers lésé en matière d’assurance de responsabilité civile), n’ont pas été modifiés. Mais l’articulation entre le droit spécial des assurances et le droit commun de la prescription suscite une intense actualité jurisprudentielle.

Information de l’assuré, interprétation large et absence de sanction. Depuis longtemps, par application des dispositions l’article R. 112-1 du code des assurances, il était fait obligation à l’assureur de rappeler dans le contrat d’assurance les causes d’interruption de la prescription biennale prévues à l’article L. 114-2 du même code.
Cependant, le texte était interprété largement et il suffisait que l’assureur reproduise dans son contrat le délai de la prescription et les textes existant en la matière.

La Cour de cassation allait même jusqu’à affirmer que la prescription biennale avait commencé à courir quand bien même l’assureur n’aurait pas rempli son obligation d’information (Cass. 1 re civ. 22 janvier 2002, n° 98-18892).

Las. Les conséquences pour l’assuré de cette absence de sanction ne pouvaient résister durablement aux assauts des tenants de la défense du consommateur au sens large, ce citoyen particulier, censé ignorer la Loi.

La Jurisprudence, après plusieurs revirements a institué la règle de la reproduction intégrale. Par un arrêt de 2011 (3ème civ, 28 avril 2011 n°10-16269), la Cour juge que les assureurs ne respectent pas l’article R. 112-1 du code des assurances si la police ne comporte qu’un simple renvoi aux textes relatifs à la prescription. La police doit impérativement, pour que la prescription biennale puisse être opposée, reproduire intégralement les articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances.
Par un arrêt du 18 Avril 2013, la Cour de Cassation est allée encore plus loin : l’assureur doit désormais rappeler non seulement les causes extraordinaires d’interruption propres à la prescription biennale (prévues et décrites par les dispositions de l’article L 114-2 du code des assurance) mais également les causes d’interruption ordinaires (simplement visées par les dispositions de l’article L 114-2 précité) applicables en droit commun.

A défaut, la prescription biennale dont l’assureur tenterait de se prévaloir est inopposable à l’assuré.

Ce surcroit d’exigence qui n’avait rien d’évident, s’inscrit dans une vision généreuse du devoir d’information de l’assureur. L’assuré est le seul à qui les modes d’interruption de la prescription de droit commun doivent être rappelées contractuellement, pour permettre le libre jeu des règles de la prescription biennale.

II – IMPRESCRIPTIBILITE OU SUBSTITUTION ?

L’assureur, renvoyé à « l’inopposabilité » de la prescription va-t-il rester exposé indéfiniment à l’action de son assuré ?

1°) Prescription spéciale et prescription de droit commun

La jurisprudence de la Cour de Cassation étant établie, ce n’est pas sa critique ou son commentaire qui nous occupe d’abord, mais l’interrogation qu’elle suscite pour tous les praticiens : quel est le délai nécessairement assigné à l’assuré pour faire valoir son droit, lorsque la prescription biennale est écartée ?

La prescription de droit commun a-t-elle vocation à prendre le relais de la prescription biennale en mal d’opposabilité, en s’y substituant ?

Les règles de droit commun dans le cadre de la réforme de 2008 ont une vocation résiduelle (elles s’appliquent lorsque le droit des assurances ne s’appliquent pas) mais elles sont également appelées à se combiner avec lui.

La prescription biennale est ainsi par exemple une prescription extinctive au sens de l’article 2219 du code civil suivant lequel :

« La prescription extinctive est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps »

Le Code civil a expressément institué un délai de prescription de droit commun, dont l’application est par principe résiduelle : la prescription de droit commun s’applique aux actions qui ne sont pas régies par un droit spécial, comme par exemple le droit des assurances.

Le droit spécial étant écarté (ici la prescription biennale instituée en matière d’assurance), le droit commun (la prescription quinquennale) devrait, si l’on ose dire « retrouver ses droits »…

Est-ce le cas ?

Cette contradiction entre le caractère résiduel du droit général néanmoins combinable avec le droit spécial peut-elle être dépassée dès lors que tout droit a vocation à s’éteindre au-delà d’un certain délai ?

2°) La jurisprudence : une histoire mouvementée et contradictoire
L’on ne revient sur les nombreux arrêts des Cours d’Appels qui laissaient planer un doute sur la solution, étant observé que selon la Doctrine, une application du délai de prescription de droit commun pouvait ainsi être de nature à altérer la sévérité de cette sanction assez inédite.

LA SOLUTION JURISPRUDENTIELLE DEPUIS UN ARRET RECENT ? VOIR PLUS BAS

prescription biennale et de droit commun : la solution qui tranche

La Cour de cassation (Cass. 3e civ., 21 mars 2019, n° 17-28021) vient de trancher, en écartant l’argumentation fondée sur une substitution du délai de prescription de droit commun, lorsque l’assureur ne peut opposer la prescription biennale pour les motifs précités, en jugeant, ainsi que :

« L’assureur qui, n’ayant pas respecté les dispositions de l’article R. 112-1 du Code des assurances, ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré, ne peut pas prétendre à l’application de la prescription de droit commun ».

Il n’est même pas question de délai butoir…

Dans un article intitulé « Il va falloir apprendre à prononcer et à écrire un mot bien compliqué : l’imprescriptibilité » (Revue générale du droit des assurances n°05 du 1 mai 2019), Mr le Professeur Jérôme Kullmann, commentant cet arrêt conclut que :

« Le délai de cinq ans ne remplaçant pas le délai de deux ans, aucune prescription ne peut être opposée par l’assureur à l’assuré qui réclame le paiement de la prestation d’assurance lorsque manque, dans le contrat d’assurance, une mention relative à la prescription. Cette action de l’assuré deviendrait donc imprescriptible. Le classement des dossiers de sinistre ne pourrait plus jamais avoir lieu, en dépit d’une complète inertie de l’assuré, si longue qu’elle justifie pourtant économiquement et moralement la libération de son débiteur. Quieta movere ! »

L’on ajoute qu’à l’extraordinaire obligation de copier la Loi dans les contrats d’assurance, s’ajoute, dans une logique de protection exacerbée de l’assuré, un bouleversement du droit qui évacue ici l’un de ses éléments constitutifs : le temps qui est donc effacé. De quoi donner le vertige.

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Juin 2019

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